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Je me dois tout d’abord de m’atteler à lever ici le voile sur une confusion fréquente, celle de personnalité narcissique, et de perversion narcissique.

Non, la personnalité narcissique ne relève pas de la perversion narcissique.

Bien que ces deux aménagements de la personnalité peuvent présenter quelques similitudes de surface (ego surdimensionné, séduction, propension à la dévalorisation …) leurs ressorts sous-jacents diffèrent significativement.

On prête généralement la paternité du concept de personnalité narcissique à Heinz Kohut et Otto Kernberg.

Ce dernier en l’occurrence, théorise le concept de personnalité narcissique, comme un trouble borderline, dont la faille narcissique serait défendue par une surcouche à tonalité narcissique (ego de surface surdimensionné, manque de considération pour autrui etc…)

Il n’en demeure pas moins que la personnalité narcissique se défend contre une faille narcissique, et que derrière cette carapace, le sujet reste capable d’empathie, d’identification, de sensibilité, de sentiment de culpabilité etc… Le sujet narcissique peut certes parfois être vantard, arrogant, blessant, plus ou moins toxique, mais ne jouit pas fondamentalement de la destructivité ou des blessures qu’il est susceptible d’infliger, que l’on pourrait d’une certaine façon penser comme un dommage collatéral, d’un sujet au narcissisme blessé, qui se protège.

La perversion narcissique, c’est une toute autre histoire. Nous entrons là dans des aménagements qui prennent racine dans les eaux nettement plus sombres, pathologiques et pathogènes, de familles au sein desquelles folie, psychose, perversion, violence, disqualification, incestualité (climat familial) et incestuosité (inceste agi), à divers degrés se rencontrent, comme l’a si brillamment exposé Paul-Claude Racamier, dans ses travaux sur les schizophrènes, les psychotiques et de façon plus générale sur les familles difficiles.

Là où la personnalité narcissique cherche à briller, pour contre-investir ses blessures, le pervers détruit, « psychotise » autrui, en évacuant chez l’autre la folie latente qu’il ne tolère en lui, et cela non seulement avec aisance, mais aussi avec jouissance. Inutile de rappeler ici le sadisme qui caractérise le pervers accompli.

La personnalité narcissique, quant à elle, sera peut-être imbue de sa personne, égoïste, prétentieuse, dans un fantasme défensif d’auto suffisance, enclin à l’infidélité de par son besoin de séduire et de réassurance, son fonctionnement n’est néanmoins pas propulsé par la destructivité.

Le pervers lui, détruit, sabote, attaque la vie dans son essence même, qu’il s’agisse des liens, intrapsychiques comme relationnels, de la créativité, de la constructivité, de l’intériorité, de l’amour, de quoique ce soit qui puisse être positif ou nourrissant pour autrui. A une échelle groupale, le pervers oeuvrera à recruter des sbires, afin de constituer un noyau pervers, qui à son tour sera susceptible de parasiter des secteurs entiers de certaines institutions ou entreprises, de certains partis politiques, voire d’une nation, pour peu que ceux-ci accèdent aux rênes du pouvoir. Bref le pervers détruit, il s’en réjouit, et ne peut fonctionner autrement. Comme beaucoup l’ont souligné, le pervers vampirise, mais comme si cela ne suffisait pas, il empoisonne. Corrompu de l’intérieur comme il est, car oui il l’est, il excelle dans l’art de faire pourrir, et de tarir la vie là où il la rencontre.

Le pervers se situe définitivement du côté obscur. Et s’il fallait, dans le vaste paysage de la psychopathologie, de façon quelque peu romanesque, personnifier le « Mal », comme de nombreux auteurs l’ont relevé (Kernberg parlait déjà jadis de « narcissisme malin », pour décrire des sujets que Racamier aurait sans doute qualifié de pervers narcissiques), le pervers se trouverait en pole position (suivi de près par ses cousins psychopathes, paranoïaques, et enfin sociopathes) tant il est vrai que ces différents profils, malgré leurs différences, constituent ensemble un entrelac, à la destructivité certaine.

Mais revenons à la personnalité narcissique. Il s’agit donc d’un aménagement borderline (angoisse d’abandon/rejet, hémorragie narcissique, instabilité de l’image de soi comme de celle des autres, impulsivité, immaturité affective, instabilité de l’humeur sur des cycles courts, alternance entre un sentiment de vide et un trop plein émotionnel, profil addictif etc…). Aménagement borderline, qui se défend de son trouble, en se surinvestissant narcissiquement certes, mais aménagement qui reste parfaitement accessible à la thérapie.